Mise en pratique : L'hétérographie
L'hétérographie est un concept qui s'oppose à l'idée traditionnelle de l'autobiographie en tant que récit purement individuel et centré sur soi. Dans une autobiographie classique, une personne raconte sa propre histoire de manière subjective, en se basant sur sa mémoire, ses expériences et son point de vue personnel. L'hétérographie, en revanche, propose une approche plus collective et relationnelle du récit de soi.
Dans une hétérographie, l’écriture de soi se fait "pour et avec les autres". Cela signifie que l’individu reconnaît que son identité, ses expériences et son récit sont influencés et façonnés par ses interactions avec les autres. L’histoire personnelle n’est plus un acte isolé, mais un projet partagé, où les relations sociales, les influences extérieures et les regards des autres jouent un rôle crucial. Il s'agit de prendre en compte les contextes sociaux, culturels et relationnels dans lesquels la personne évolue, plutôt que de se concentrer uniquement sur une perspective individuelle.
Les caractéristiques de l’hétérographie :
- Collectivité et relationnalité : Le récit personnel intègre la manière dont les autres (famille, amis, collègues, etc.) participent à la formation de l'identité de l'individu.
- Influence externe : Le regard et les interactions avec les autres influencent la manière dont on se perçoit et se raconte.
- Identité fluide : Contrairement à l’autobiographie qui fige souvent une version "officielle" du passé, l’hétérographie reflète une identité en constante évolution, influencée par les autres et le contexte.
L’hétérographie est donc une manière de reconnaître que notre vie et notre identité ne se construisent pas isolément, mais sont toujours le résultat d’un dialogue avec notre environnement social, culturel et interpersonnel. Ce concept est particulièrement pertinent dans le cadre de la réflexion interculturelle, car il souligne l’importance des interactions avec différentes cultures et perspectives dans la formation de notre propre identité.
Mise en pratique
Un exemple de mise en pratique de l’hétérographie dans un contexte interculturel pourrait se dérouler dans un projet éducatif où des étudiants issus de différents horizons culturels travaillent ensemble pour co-écrire un récit collectif. Ce type d'initiative permettrait à chaque participant de raconter son expérience de l’interculturalité, mais avec une approche collaborative où les récits s'enrichissent des perspectives et des interprétations des autres.
Exemple concret : Projet d’écriture collective dans une classe interculturelle
Contexte :
Imaginons un groupe d’étudiants dans une université internationale, où les participants viennent de divers pays et cultures. L'enseignant propose un projet d’écriture appelé "Nos récits interculturels partagés". Le but est de créer une narration collective autour de leurs expériences interculturelles.
Méthode :
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Étape 1 : Récit individuel influencé par les autres
Chaque étudiant commence par écrire un récit autobiographique court sur une expérience interculturelle qui l’a marqué. Cela peut être une rencontre avec une autre culture, une situation d’adaptation dans un pays étranger, ou une incompréhension liée à une différence culturelle. -
Étape 2 : Lecture collective et discussion
Après l'écriture individuelle, les étudiants se réunissent en petits groupes pour partager et discuter de leurs récits. À ce stade, les autres étudiants apportent des retours, des réflexions, et même des questions sur l’expérience partagée. Ils peuvent aussi relier cette expérience à des éléments de leur propre culture ou proposer une autre lecture de la situation. -
Étape 3 : Révision collaborative
Chaque étudiant modifie ensuite son texte en fonction des commentaires du groupe. Cela peut inclure l’ajout de points de vue extérieurs, une réévaluation de son propre récit à travers le prisme des échanges, ou même l'intégration d'éléments des récits des autres membres du groupe. Le résultat est une narration qui reflète non seulement une expérience personnelle, mais aussi l’impact des perceptions et contributions des autres. -
Étape 4 : Création d’un récit collectif
Enfin, les récits sont combinés pour créer une histoire collective, où chaque partie reflète à la fois une expérience personnelle et des perspectives partagées. Les étudiants peuvent identifier des thèmes communs (adaptation, malentendus culturels, enrichissement mutuel, etc.) et créer une narration qui montre comment leurs expériences interculturelles sont reliées et enrichies par leurs interactions.
Résultat :
Le projet final est un texte collectif qui montre comment les identités et les récits de chacun ne sont pas des histoires isolées, mais sont façonnés par les interactions culturelles et les influences extérieures. L’identité de chaque étudiant dans ce contexte est perçue comme en perpétuelle transformation grâce aux échanges interculturels.
Exemple spécifique :
Un étudiant chinois partage son expérience de choc culturel lors de son arrivée en France. Dans le cadre de l’exercice d’hétérographie, ses camarades français commentent cette expérience, expliquant ce qu’ils ont perçu de leur côté, tout en partageant des anecdotes sur leurs propres défis d'adaptation dans d'autres contextes. À la suite de cette discussion, l'étudiant chinois réécrit son récit en y intégrant le point de vue de ses camarades. Il peut y ajouter des éléments qu’il n’avait pas remarqués initialement, comme les difficultés des Français à comprendre certains aspects de la culture chinoise. Le récit reflète ainsi une vision plus riche et partagée de l’expérience interculturelle.
Importance dans l’interculturalité :
Cette approche d’hétérographie est essentielle dans un contexte interculturel car elle permet aux participants de reconnaître l’influence mutuelle dans la formation de leurs identités. Cela valorise l’idée que les récits individuels ne sont pas fixes, mais sont constamment influencés et redéfinis par les rencontres et les dialogues avec d’autres cultures.
Ce type d’exercice encourage également une réflexion critique sur la manière dont nous interprétons nos propres expériences culturelles et nous permet de mieux comprendre comment nous sommes façonnés par nos interactions avec autrui.