Brenda Laurel, dès 1991, identifie le caractère dramatique des médias numériques, en affirmant que leur contenu se manifeste souvent par des agents, ajoutant une dimension participative propre aux médias interactifs. Cela crée une proximité entre ces médias et les médias dramatiques, où l’action et l’interaction se déroulent "comme si elles se produisaient à ce moment même", selon la définition de Martin Esslin pour le théâtre, le cinéma et la télévision. Cette définition peut s’appliquer également à l’ensemble du divertissement numérique.

Même dans les premières expériences de fiction interactive, issues de la littérature traditionnelle, un élément dramatique était déjà perceptible. Niesz et Holland (1984) soulignaient que la fiction interactive s’adapte bien aux thèmes impliquant l’action, le conflit et l’aventure. Dans les années 1990, le groupe OZ de l’Université Carnegie Mellon, qui a aidé à établir la notion de narration interactive, considérait la tension dramatique comme un axe principal de création de telles œuvres, aux côtés des agents autonomes et des systèmes de visualisation.

Selon Michael Mateas, il existe une affinité entre le focus du drame sur l’action et le comportement réactif en temps réel des systèmes informatiques interactifs. Cela signifie que l’interaction narrative repose sur des événements en temps réel, où l’utilisateur ressent le temps comme une expérience présente. La participation active de l’utilisateur implique des actions qui influencent le récit, enregistrées par des fonctions spécifiques. La présence d’un agent (humain ou artificiel) permet de donner du sens aux actions du participant, ce qui crée une cohérence entre le personnage et le spectateur/utilisateur dans le déroulement du récit.

Ainsi, cette section met en lumière comment la tension dramatique et l'interaction en temps réel sont des éléments clés dans les formes de narration interactive, créant une expérience immersive pour l'utilisateur où ses actions influencent directement le cours de l'histoire.

L'importance des actions et des événements dans la narration interactive, éléments essentiels à la construction dramatique d'une histoire.

Dans ce contexte, les actions sont définies comme des processus délibérés effectués par un agent (un personnage ou l'utilisateur), tandis que les événements sont des processus aléatoires qui ne résultent pas d'une intention spécifique, comme des catastrophes naturelles ou des incidents imprévus.

Il est crucial de distinguer les actions, qui sont causales et créent une continuité narrative, des événements, qui peuvent affaiblir cette continuité en raison de leur caractère aléatoire. Cependant, les événements peuvent servir de déclencheurs pour les actions des agents, et donc être intégrés de manière significative dans les récits interactifs. Par exemple, dans les jeux d'arcade des années 1990, des événements aléatoires obligeaient les joueurs à intervenir de manière constante, même si la dimension narrative était faible.

Avec le temps, ces jeux ont introduit des agents artificiels qui enrichissaient la narration en attribuant des intentions aux actions, un exemple emblématique étant Super Mario, où des événements comme l'attaque du gorille conduisent à une réponse intentionnelle de la part du joueur.

La conception d’une narration interactive repose donc sur la création d’actions, qui peut être divisée en trois types :

  1. Action dramatique : action d'un agent qui affecte d'autres agents dans l'histoire.
  2. Action narrative : action générée par le récit lui-même, orientant la direction narrative et influençant le public.
  3. Action du public : processus cognitif et intervention directe dans le système, qui sera détaillé plus loin dans le texte.

Bien que ces catégories soient distinctes en théorie, en pratique, elles peuvent se chevaucher et interagir.

Les actions dans la narration interactive sont au cœur du développement de l’histoire, tandis que les événements peuvent jouer un rôle déclencheur pour stimuler l’implication et l'intervention du public dans le récit.

L'action dramatique explore les caractéristiques qui rendent une action dramatiquement efficace dans la narration interactive.

L'action dramatique est l'élément central qui propulse le mouvement narratif et doit répondre à plusieurs critères pour être crédible et engageante. Elle suit une logique de cause à effet, motivée par un objectif clair du personnage, compréhensible pour le public. L'action doit refléter les caractéristiques du personnage et sa fonction dans l'intrigue, soulignant l'adage "les personnages sont ce qu'ils font". Chaque action, qu'elle soit majeure (par exemple, la vengeance d'un père) ou mineure (comme tuer l'assassin), contribue à l'unité narrative.

Caractéristiques clés de l’action dramatique :

  1. Élément fondamental du mouvement narratif : chaque action en entraîne une autre, créant une chaîne causale.
  2. Motivation claire du personnage : l'action est motivée par les objectifs du personnage et doit être perçue comme logique.
  3. Comportement cohérent : l'action reflète l'essence du personnage, renforçant la cohésion de ses différentes actions.
  4. Définition de la fonction du personnage : les personnages se définissent par leurs actions, et non par des descriptions externes.

La conception d'actions dramatiques dans la narration interactive repose sur une compréhension claire des objectifs des personnages. L'auteur doit se concentrer sur les actions significatives, évitant les détails superflus, et s'assurer que les actions choisies influencent le déroulement narratif.

Exemple pratique :

Dans un jeu VR comme Wanderer (2021), les actions qui impactent directement le personnage principal dans des environnements interactifs sont celles qui renforcent le développement dramatique. Ce type d'actions, en permettant à l'utilisateur d'intervenir et d'influencer le récit, contribue à l'immersion et à l'engagement du joueur dans l'histoire.

Modifié le: jeudi 3 octobre 2024, 10:15