Le ton du dialogue
Le ton du dialogue, ou plus précisément le ton que le dialogue crée pour l'auditeur, se réfère à la manière dont il nous fait ressentir. On parle ici de « l’humeur », une sensation psychologique que l'on éprouve, comme une attitude générale. Bien que les émotions soient subjectives, elles peuvent être regroupées en catégories générales telles que l’admiration, l’amusement, la colère, l’anxiété, la joie, la nostalgie, etc. Il existe d'innombrables variations de tons et de combinaisons, chacun contribuant à la manière unique dont nous vivons nos films et séries préférés. Même si le ton général d’une œuvre est influencé par divers éléments comme le style visuel, la musique, ou les performances, le dialogue joue également un rôle majeur dans la création de cette ambiance. Pensez à Le Parrain, Dumb and Dumber, The Walking Dead ou Mad Men : chacun de ces exemples évoque des sensations et des tons uniques qui marquent l’expérience de l'audience.
Quand Don Corleone dans Le Parrain dit :
DON CORLEONE
« Alors prends la justice du juge, le bon avec le mauvais, Bonasera. Mais si tu viens à moi avec ton amitié, ta loyauté, alors tes ennemis deviennent mes ennemis, et crois-moi, ils te craindront. »
Le ton de la scène est extrêmement sérieux. Même sans des répliques mémorables, les intentions et la logique de Don Corleone sont claires grâce à un langage simple et direct. Les éléments visuels et contextuels, tels que ses hommes de main, l’éclairage qui ombre son visage et la gravité apportée par Marlon Brando, renforcent cette atmosphère. Son discours reflète directement qui il est : un immigrant déterminé qui, par instinct de survie, intégrité et loyauté familiale, est devenu un chef puissant et craint. Ce ton spécifique devient indissociable de l'ensemble de la saga Le Parrain, contribuant à l'iconicité du film.
Et voici le ton opposé, tiré de la scène d'ouverture de Dumb and Dumber. Ici, un jeune homme maladroit, Lloyd, fait semblant d’être un passager dans la limousine dont il est en réalité le chauffeur, dans une tentative d’impressionner une femme sophistiquée et attirante :
LLOYD
Excusez-moi, pourriez-vous m’indiquer comment aller à l’école de médecine ? Je suis censé donner une conférence dans vingt minutes et mon chauffeur est un peu perdu.
JEUNE FEMME
(fort accent européen)
Allez tout droit et tournez à gauche après le pont.
Lloyd examine son corps.
LLOYD
Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer l’accent. Vous êtes du New Jersey ?
JEUNE FEMME
(blasée)
Autriche.
LLOYD
Autriche ? Vous plaisantez.
(en imitant un accent australien)
Eh bien, g'day mate. Qu'est-ce que vous dites, on se retrouve plus tard pour faire griller quelques crevettes sur le barbie ?
La jeune femme lui tourne le dos et s'éloigne.
LLOYD (à lui-même)
Je suppose que je ne descendrai pas dans le sud ce soir…
Que vous voyiez ou entendiez cette scène à l’écran, ou que vous la lisiez, ce dialogue vous plonge immédiatement dans l’univers de « l’idiot et encore plus idiot ». Un ton idiot et « amusant » est présenté. Nous comprenons qui est le personnage et nous sommes préparés à une suite du même registre. Est-il vraiment aussi idiot ? Oui.