Ces visions anticipent une participation accrue du public, rendue possible par des technologies fictives. Ces idées se sont concrétisées dès 1967 avec le Kinoautomat, une installation où le public pouvait influencer le déroulement d'un film en appuyant sur des boutons. Le concept d’interactivité a ensuite été renforcé avec l’apparition des technologies informatiques, comme l'agent artificiel Eliza en 1966 et le jeu Adventure en 1976, qui ont ouvert la voie à une nouvelle forme d’engagement et de fascination pour l’interactivité.

Une définition de l'interactivité selon Paolo Rosa (fondateur du Studio Azzurro) et Andrea Balzola (experts en dramaturgie multimédias) ont affirmé, dans un ouvrage sur l'art et la créativité numérique, que l'interactivité est exclusivement technologique et donc capable de capturer les traces laissées par les utilisateurs et de les interpréter comme des comportements. Selon Rosa et Balzola, c'est la caractéristique qui distingue l'interactivité de l'interaction (cette dernière étant commune à toutes les activités relationnelles) (2010, pp. 19, 92-93).

Le numérique, le virtuel, l’interactif

Au cours des 20 dernières années, les possibilités offertes par les outils technologiques pour des récits interactifs ont énormément évolué, couvrant un large éventail de produits allant des romans aux jeux vidéo en passant par la télévision et les performances artistiques. Ce domaine n’a pas de terminologie unifiée : des termes tels que fiction interactive, cinéma interactif, et performance interactive sont utilisés pour décrire différentes formes d’interactivité narrative. Les récits interactifs sont devenus un sujet d'étude académique, donnant lieu à de nouvelles catégories et concepts.

Trois termes principaux ont marqué le domaine :

  • Digital Storytelling : englobe toutes les œuvres, plus ou moins interactives, utilisant des technologies numériques pour raconter des histoires. Cela inclut la production et le partage de contenu via des appareils mobiles et les réseaux sociaux.
  • Virtual Storytelling : met l'accent sur le rôle du système informatique dans le traitement et l'exécution des récits.
  • Interactive Storytelling : se concentre spécifiquement sur les produits créés par des dispositifs numériques, soulignant l’importance de la composante computationnelle dans la gestion de l’interaction avec l’utilisateur.

En résumé, ces concepts montrent comment la technologie a transformé les récits en permettant une participation active et interactive du public, tout en ouvrant un champ de recherche académique et créatif riche en terminologies et en expérimentations narratives.

Interagir, participer, collaborer

Les tentatives de définition de la narration interactive sont souvent complexes et insaisissables. Le texte critique la tendance à vouloir imposer une théorie normative à cette forme d'art, affirmant que la créativité ne suit pas des modèles préétablis. Il souligne que l'objectif n'est pas de fixer des critères ou des conditions nécessaires pour qualifier une œuvre de « narration interactive ». Au lieu de cela, le livre met en avant des éléments communs observés dans la pratique.

La définition de l’interaction varie selon les contextes. Selon l'Oxford English Dictionary, l'interaction désigne une action réciproque, tandis que Chris Crawford la décrit comme un processus cyclique où des agents (humains ou systèmes) écoutent, réfléchissent, et répondent. L’interactivité implique la bidirectionnalité, où les participants influencent le déroulement des événements, contrairement à une simple relation de cause à effet.

Au delà des définitions théoriques strictes de l’interactivité, nous pouvons préférer une approche plus flexible et contextuelle. La notion de participation varie selon chaque œuvre, et n’a pas de signification absolue. En ce sens, « raconter une histoire » ne se limite pas au simple récit, mais inclut l’implication cognitive, émotionnelle et physique du public. Avec l'avènement des technologies comme la réalité virtuelle (VR), la participation devient plus immersive et physique.

Dans cette optique, la participation dans une œuvre narrative n’est pas uniquement cognitive mais active, et parfois collaborative. Il est reconnu que le lecteur, ou plutôt le « participant », contribue à la création du monde fictif en interagissant avec le texte. Par exemple, dans certaines œuvres, un effort non trivial est nécessaire pour naviguer à travers le texte, comme l'a observé Espen Aarseth en 1997.

Le terme utilisé pour désigner cette personne qui interagit avec les récits interactifs a évolué. Si le terme « lecteur » était utilisé dans les premières études, il a été remplacé par « utilisateur » ou « joueur », selon les contextes (notamment dans les jeux vidéo). L'idée centrale est que ce participant influence activement le déroulement de l’histoire en interagissant avec l’œuvre.

Enfin, le texte souligne que la narration interactive peut prendre différentes formes – qu’il s’agisse d’une expérience sur un écran d’ordinateur, avec un casque VR, ou lors d’une performance. Ce volume explore une large variété de récits interactifs, et la terminologie employée reste délibérément générale pour s’adapter à cette diversité.

L'accent est mis sur l'importance de la pratique et de la participation dans la narration interactive, sans chercher à imposer des définitions fixes, mais en tenant compte des multiples formes que peut prendre cette interaction dans le monde numérique et physique.

Modifié le: jeudi 3 octobre 2024, 10:16