1. La domination des grandes puissances en IR

Traditionnellement, la recherche en relations internationales a concentré son analyse sur les grandes puissances. Ces dernières sont perçues comme les moteurs du changement structurel dans le système international, reléguant les petits États à des positions secondaires. Cela reflète un certain biais en faveur des grandes puissances, où les petits États sont vus comme des acteurs contraints, souvent obligés d’aligner leur politique étrangère sur les grandes puissances pour préserver leur sécurité ou leurs intérêts économiques.

Exemple : Le système tributaire en Asie

Historiquement, en Asie, les relations internationales étaient souvent décrites à travers un système centré sur la Chine, où les pays voisins agissaient en tant que tributaires. Cet exemple illustre bien comment la recherche en relations internationales tend à conceptualiser les petits États comme étant influencés par la force des grandes puissances.

2. Les stratégies des petits États : alignement et bandwagoning

Les petites puissances, dans un environnement dominé par des grandes puissances, peuvent choisir de s'aligner sur un acteur dominant. Le bandwagoning consiste pour un État plus faible à rejoindre une grande puissance, espérant bénéficier de sa protection. Cette stratégie est souvent adoptée lorsqu’un État perçoit peu d'options pour résister à une grande puissance ou lorsqu’il cherche à maximiser ses gains en s’alliant avec elle.

Exemple : Alliances en Asie pendant la Guerre froide

Pendant la Guerre froide, certains États d'Asie ont choisi de s'aligner sur l'une des superpuissances. Par exemple, le Japon, la Corée du Sud et les Philippines se sont alignés sur les États-Unis, tandis que le Vietnam a opté pour un rapprochement avec l'Union soviétique et la Chine.

3. Le hedging : la stratégie de diversification des risques

Une stratégie plus nuancée est le hedging, qui consiste à ne pas choisir un camp unique, mais plutôt à entretenir des relations avec plusieurs grandes puissances de manière équilibrée. Les petits États qui pratiquent le hedging cherchent à maximiser leur autonomie et leurs options en maintenant des relations positives avec plusieurs grandes puissances, sans s'engager pleinement avec aucune.

Caractéristiques du hedging :
  • Ambiguïté délibérée : Les petits États envoient des signaux mixtes de coopération et de distanciation aux grandes puissances.
  • Flexibilité stratégique : Cette approche permet de préserver une marge de manœuvre pour s'adapter à l'évolution des rapports de force.
Exemple contemporain : Les États de l'Asie du Sud-Est

Beaucoup de pays de l'Asie du Sud-Est, comme la Malaisie ou Singapour, ont adopté une politique de hedging vis-à-vis de la Chine et des États-Unis. Ils tirent parti de la croissance économique chinoise tout en cherchant à maintenir des relations de sécurité avec les États-Unis pour contrer une éventuelle domination chinoise dans la région.

4. Neutralité et non-alignement

Une autre approche pour les petits États est la neutralité ou le non-alignement. Ces stratégies consistent à éviter de s'engager avec des blocs ou des grandes puissances rivales. Le Mouvement des non-alignés (NAM) en est un exemple historique, fondé en 1955 lors de la conférence de Bandung. Il promouvait le refus de choisir entre les grandes puissances pendant la Guerre froide et la résolution pacifique des conflits.

Exemple : L'Indonésie et la doctrine bebas-aktif

L'Indonésie, par exemple, a adopté la doctrine de politique étrangère bebas-aktif (indépendante et active), qui résonne encore aujourd'hui dans sa volonté de ne pas s'aligner formellement sur une grande puissance, même si elle entretient des relations pragmatiques avec plusieurs acteurs majeurs.

5. Critique des modèles traditionnels

Les concepts d'alignement et de bandwagoning sont parfois trop simplistes pour expliquer les comportements des petits États. Les chercheurs ont de plus en plus souligné que ces États ne sont pas de simples "pions" des grandes puissances. Ils jouent un rôle actif, parfois disproportionné, dans certaines zones spécifiques comme les négociations internationales ou la diplomatie multilatérale. Par exemple, de petits États peuvent avoir une influence notable grâce à leur expertise ou à leur capacité à créer des coalitions internationales.

Conclusion

Les stratégies des petits États en relations internationales sont diverses et nuancées. Bien que traditionnellement perçus comme contraints par les grandes puissances, ils adoptent des stratégies telles que l’alignement, le bandwagoning, le hedging ou la neutralité pour maximiser leur autonomie et leurs intérêts. L’étude de ces comportements, particulièrement en Asie, révèle une capacité d’adaptation dynamique face à la compétition des grandes puissances.

Modifié le: vendredi 13 septembre 2024, 18:12